Lausanne, le 21 octobre 2020. Les mines de cuivre et de cobalt de Glencore en Ré-publique démocratique du Congo posent de graves risques pour l’environnement et les habitant·e·s des alentours. Les personnes lésées peinent à obtenir réparation dans un pays aux institutions défaillantes, comme le montre un nouveau rapport de HEKS et d’Action de Carême. L’initiative pour des multinationales respon-sables permettrait de changer la situation.
En février 2014, Mutombo Kasuyi, alors âgé de 23 ans, est appréhendé par une patrouille de sécurité alors qu’il traversait le site de la mine de cuivre et de cobalt KCC, qui appartient au groupe minier suisse Glencore. La patrouille le conduit peu de temps après à l’hôpital de Kolwezi, où le médecin ne peut que constater son décès. La famille de Mutombo a immé-diatement déposé une plainte pénale ; selon les deux autopsies réalisées, le décès est vrai-semblablement dû à des violences, ce qui n’a pas empêché le juge d’acquitter en première instance deux agents de la police des mines.
En deuxième instance, le tribunal de Lubumbashi a renvoyé le cas, ayant conclu à la non-conformité de la procédure : les agents de sécurité de KCC s’étaient contredits dans leurs témoignages et des pièces à conviction capitales avaient été ignorées ou avaient disparu du dossier dans des circonstances mystérieuses. Depuis cette décision, il y a de cela trois ans, plus rien ne s’est produit. En début 2020, la famille de Mutombo a appris que le document officiel demandant le renvoi de l’affaire à la première instance a disparu des dossiers. De-puis plus de six ans, la famille attend donc que le tribunal rende un jugement et fasse la lu-mière sur les événements de février 2014.
Le droit à un procès équitable n’est pas garanti
Les organisations Action de Carême et HEKS ont mené une enquête minu-tieuse concernant cette affaire en République démocratique du Congo (RDC) et présentent leurs conclusions dans un nouveau rapport. Ce cas d’école souligne que l’accès à la justice est semé d’embûches dans des pays aux institutions fragiles, comme par exemple la RDC. Et il montre que, dans ces pays, le droit à un procès équitable n’est pas garanti pour des victimes de violations des droits humains.
L’initiative pour des multinationales responsables changerait ici la donne. En effet, dans le cas de Mutombo Kasuyi, les auteurs présumés étaient soit des employés de KCC, filiale de Glencore, soit des agents externes placés sous sa surveillance. Les faits incriminés tombe-raient donc sous la clause de responsabilité civile introduite par l’initiative et soumise à vo-tation populaire le 29 novembre prochain. L’initiative facilitera l’accès aux tribunaux suisses pour les victimes, et la famille de Mutombo pourrait initier une action en responsabilité civile envers Glencore.
Une externalisation des risques aux effets délétères
Ce cinquième rapport publié depuis 2011 par HEKS et Action de Carême sur les activités de Glencore en RDC analyse non seulement l’affaire Mutombo, mais aussi le tragique accident d’un camion transportant de l’acide sulfurique survenu en février 2019 près de Kolwezi, qui a laissé un bilan de 21 morts et de sept personnes grièvement bles-sées. Le chargement était destiné à la mine de Mutanda, une filiale de Glencore, qui en avait confié le transport à une autre entreprise. Cette dernière a sous-traité la prestation à un autre fournisseur qui a, à son tour, sollicité les services d’un particulier, propriétaire d’un camion-citerne.
Du fait de cette externalisation des risques en cascade, personne n’a accepté sa responsa-bilité dans la tragédie et le propriétaire du camion-citerne, qui ne l’avait pas assuré, a disparu après l’accident. Il a fallu attendre un an et demi, et qu’Action de Carême et HEKS mènent l’enquête, pour que cet entrepreneur réapparaisse et propose, par l’intermédiaire de ses avocats, de verser des indemnités à une partie des victimes. L’entreprise Glencore, devrait se demander si elle a vraiment fait tout ce qui est en son pouvoir pour s’assurer que tous les véhicules utilisés dans sa chaîne d’approvisionnement pour transporter des produits chimiques sont bel et bien assurés.
Audience devant le Tribunal sur le Congo de Milo Rau
L’affaire du camion d’acide sulfurique est l’un des cas qui seront examinés lors de la nou-velle audience du Tribunal sur le Congo de l’auteur et metteur en scène suisse Milo Rau. Dimanche 25 octobre prochain, les résultats de cette « audience de Kolwezi » se rapportant à une longue série d’atteintes aux droits humains, de pollutions de l’environnement et d’actes de corruption dans la région minière de Kolwezi seront résumés et discutés au Schiffbau du Schauspielhaus de Zurich.
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Renseignements :
Chantal Peyer, cheffe d’équipe entreprises et droits humains, HEKS
+41 79 759 39 30,