Commentaire

L’ombre portée par nos choix quotidiens

14.04.2021
Mischa von Arb. © Manu Friederich

Cette année, l’affiche de la campagne œcuménique menée par HEKS et Action de Carême divise. On y voit ainsi à l’avant-plan deux personnes qui préparent des grillades le sourire aux lèvres. Si tout semble normal de prime abord, on s’aperçoit toutefois aussitôt que l’ombre projetée par le couple figure des troncs d’arbre calcinés. La légende « Moins de consommation de viande. Plus de forêt tropicale » vient alors accentuer l’intensité de cette scène dénonçant la face cachée de notre consommation.

Pourquoi l’affiche fait-elle appel à cette image ? L’objectif de cette campagne axée sur la justice climatique consistait à transformer une thématique abstraite qui ne semble nullement nous concerner en une question éminemment personnelle qui nous touche au cœur. Dès lors, cette affiche s’inscrit également dans la tradition catholique du jeûne : voilà des siècles que le carême est un moment de renoncement. L’idée ici n’est toutefois pas de suivre un régime, mais de faire preuve de solidarité et de s’interroger sur la manière d’apporter chacun et chacune sa pierre à l’avènement d’un monde plus juste.

Le thème de la consommation de viande se prête particulièrement à cet exercice. L’affiche met en évidence le lien de cause à effet qui unit production de viande industrielle et destruction de la forêt tropicale. Les organisations partenaires de HEKS et d’Action de Carême en Afrique, en Amérique latine et en Asie rendent compte des conséquences désastreuses découlant de l’exploitation des terres à des fins de production de fourrage et de viande, qu’il s’agisse de la déforestation ou de l’accaparement des terres des communautés locales, et donc des paysan·ne·s.

Au cours des dernières années, la consommation de viande en Suisse s’est concentrée sur les morceaux nobles. Pourtant, si nous voulons éviter le gaspillage alimentaire et soutenir une consommation éthique, il est important d’utiliser toutes les parties de l’animal tué. Il est également à noter que la production de calories d’origine non animale demande beaucoup moins d’énergie, de ressources et de terres que la production de calories d’origine animale. Aussi, en réduisant notre consommation de viande, nous contribuons concrètement à promouvoir la justice alimentaire et climatique dans le monde.

La campagne ne vise donc en aucun cas à condamner la consommation de viande en tant que telle, mais à prôner la sobriété et l’éthique. Au-delà la question de la viande, il s’agit d’encourager les consommateurs·trices à se tourner de plus en plus vers les produits locaux et de saison, une cause défendue depuis plusieurs années déjà par HEKS et Action de Carême dans le souci de préserver notre environnement et de soutenir notre agriculture.

En quoi le message véhiculé par cette affiche a-t-il trait à la justice climatique ? Ici aussi, la clé se trouve dans l’ombre projetée à l’arrière-plan de la scène. En effet, si toutes les personnes sur cette Terre consommaient autant que les Suisses et les Suissesses, il nous faudrait bien plus de trois planètes. Et le bilan est encore plus lourd si l’on y ajoute les émissions de CO2 liées à la production des produits que nous importons. Or, nous avons les moyens de réduire notre empreinte et, ce faisant, de participer à la concrétisation des objectifs inscrits dans l’accord de Paris sur le climat. La dimension de justice de cette question tient au fait que les habitant·e·s des pays industrialisés contribuent bien plus au réchauffement climatique que la population congolaise, guatémaltèque ou indonésienne par exemple, et ce depuis des décennies.

Il est vrai que l’affiche de la campagne 2021 divise et choque, car elle dénonce la face cachée de notre consommation, ce qui nous touche au cœur. Si elle parvient à lancer le débat ou à susciter un changement même minime de nos habitudes, elle aura déjà rempli une partie de sa mission.

L’affiche de la campagne oecuménique 2021

Affiche de campagne animées